Mais la vie est dure pour les petites gens, sous la coupe des administrateurs français.

On construit routes et ponts, les villages doivent fournir les travailleurs, avec leurs outils, chariots et animaux.
Les industries se développent; sidérurgie avec les De Wendel, faïenceries de Lunéville ou Ramberviller, verres de Vallerysthal et d'ailleurs, papier, coton, laine, brasseries, imprimeries, tanneries...
La société se diversifie : à côté des manoeuvres et petits métiers, des commerçants, des banquiers, une haute bourgeoisie proche de la noblesse et du haut clergé.
L'agriculture reste la première activité. Mais le revenu baisse. Il y a la fiscalité lourde, de mauvaises années climatiques en 1743, 45, 54, les réquisitions pour les armées et les travaux publics. Bétail et fumures se raréfient. Les terres s'épuisent vite. Faute de mieux, on développe la pomme de terre, jusqu'alors destinée aux porcs. 2 000 laboureurs (paysans propriétaires d'une charrue) disparaissent entre 1737 et 1761. Il y a des mendiants partout.
En 1766, la Lorraine devient partie du Royaume de France. Elle subit le sort d'une province lointaine et assez mal vue. Les charges fiscales augmentent, pour rejoindre celles du reste du royaume. Toutes les classes de la population se plaindront du pouvoir et des abus des intendants royaux.
1788: convocation des États généraux par le roi Louis XVI.
En Lorraine, de nombreuses assemblées discutent des souhaits et des revendications. Entre autres, le clergé se déclare prêt à renoncer à beaucoup de ses privilèges.
Aux élections, il n'y aura pourtant aucun cultivateur pour représenter une région à 80% paysanne.
Dans les « Cahiers de doléances » préparés en Lorraine, le Tiers demande l'abolition du servage, et des privilèges de la noblesse. On condamne la vénalité des offices municipaux, on veut des municipalités élues. La milice est très critiquée.
Les paysans réclament la suppression des redevances seigneuriales.
Les ruraux condamnent les privilèges de chasse et de colombiers, déplorent la cherté du bois et du sel.
On veut rétablir les greniers publics, faire fixer et percevoir les impôts par la province et non par Paris, on veut des manufactures pour donner du travail aux indigents. On dénonce le gaspillage du bois de forêt par les industries nouvelles. Souvent, les curés ruraux feront cause commune avec le Tiers-Etat.
Au XVIIlème siècle, on se marie en général à 27 ou 28 ans. La famille comprend en moyenne 5 enfants vivants. Un enfant sur 4 meurt avant l'âge de 1 an, et on commence à faire attention à une vraie formation professionnelle pour les sages-femmes.
La plupart des écoles de garçons sont organisées par les curés, celle des filles sont dirigées par les religieuses enseignantes.
À la fin du siècle, la Lorraine est la région de France la plus alphabétisée.
Avec le repeuplement sous Léopold, les villages prennent peu à peu l'aspect que nous leur connaissons.
Les maisons deviennent grandes, selon un modèle nouveau. Le mouvement de reconstruction se poursuit plus lentement sous Stanislas. Mais après l'annexion, cela va stagner, la Lorraine perd sa culture propre, même sa langue se dissoudra pour faire place au français.
Le village-rue est d'apparition assez récente, fin XVIème et début XVIlème siècle, avant la guerre de Trente Ans, quand beaucoup de villages se construisent. Auparavant le village se blottissait en rond autour du château, du monastère ou d'un centre administratif.
Les « entrepreneurs » (on dirait aujourd'hui les promoteurs) délimitent des parcelles de chaque côté de la rue : les laboureurs auront les parcelles les plus larges, puis les manoeuvriers, enfin les manants.
Au milieu du XVIIIème siècle, presque tous les intervalles entre les maisons auront été comblés par de nouvelles constructions. Cette façon de faire durera jusqu'à la guerre de 1914-18.
Ordonnance de Stanislas en 1763 : le fumier doit être déposé devant la demeure des fermiers, et pas ailleurs.
Reflet du train de vie de chaque paysan, il permet d'apprécier le montant de ses richesses, et pour évaluer la dote d'une jeune fille à marier les garçons allaient mesurer dans tous les sens ledit fermier.
L'usoir, sorte de cour de la ferme, sert encore au stockage du bois et du matériel apicole. On y fait un peu de tout : battre la récolte, tuer le cochon, préparer les tonneaux pour la mirabelle, scier...et le couarail. L'été, toute la vie sociale ou familiale est centrée sur ce bout de terrain. Parfois, on y voit aussi une fontaine.
Voilà résumée l'évolution de notre Lorraine de 1745 à 1914.