Ma première messe de minuit m'a profondément marqué !
Je suis resté bouche bée devant la belle crèche, et presque jaloux du petit enfant de choeur, qui devait avoir mon âge, portant le "Petit Enfant Jésus" à la crèche ! Je me souviens que, malgré le sommeil qui s'emparait de moi par moment, je n'ai pas dormi. Il paraît . Tout de même, d'après mes tantes,. .que j'aurais fait "quelques petits saluts" de la tête, un peu comme le petit page noir de la crèche quand on lui donnait des sous !"Il a tenu le coup, le gamin !" ont dit mes tantes à ma grand-mère, qui faisait cuire les saucisses pour manger "après la messe", avec du vin pour les hommes et de la brioche avec café pour les femmes (c'était le réveillon d'alors, car il fallait ensuite aller se coucher rapidement, il ne fallait pas manquer la messe du jour, le repas de Noël étant le lendemain 25 décembre.
En ce temps-là, Noël était avant tout une fête religieuse ! Plus tard, dans le banc des hommes, je chantais à tue-tête, en imitant le "Louis", qui était devant moi et dont je voyais le crâne chauve et le cou se gonfler en entonnant le "Credo" de tout son coeur I
Si bien que, certaines "mamîches" m' ayant remarqué, disaient à mes tantes à la sortie de la messe :
"Moôn ! c'est le "feu" de vot Anna, le piot là ? Oué beun gamin, jamais de la vie ! Il chante moult bien pour son âche ! Et le latin, mazette ! C'est incoyâpe ! Il sera curey, alleye ! Le gamin là ! C'est pas Dieu possible !!" (2)
Et ma tante Juliette, qui avait l'esprit pratique, ajoutait : "Oui, mais curé en Moselle !"(3)
Si bien que, depuis ce jour mémorable pour moi, lorsque l'on me demandait : "Qu'est-ce que t'veux faire plus tard, donc, mon hôme ?"
Je répondais invariablement : "Curé en Moselle, Madame !"
Ce qui ne m'empêchait pas de répondre, lorsque l'on me demandait ce que je préférais dans la messe, que c'était "I'ITE MISSA EST" (4)
Tout cela pour quoi ? Et bien pour un chant final, que nous entonnions certains dimanches ! Un beau chant, ma foi, qui commençait par : "Dieu de clémence, nous te louons !"
Dans mon esprit d'enfant, je me disais : "Cette Clémence, quel personnage ! Avoir un Dieu pour elle toute seule ! "
Oui, je regrette les beaux offices d'alors, offerts aux riches comme aux pauvres, nos jeunes ne les verront jamais. Peut-être en verront-ils quelques bribes, "à la télé", lors de l'enterrement d'un grand personnage, puisque l'on a supprimé ces splendeurs pour soi-disant "se rapprocher du peuple", mais en les réservant toutefois à certains "nantis".
Jean-Pierre Montat
Notes
1 - Dans un village, l'église était divisée en deux parties : à droite, en entrant, face au choeur, la partie des hommes, à gauche, la partie des femmes, près de l'hôtel de la Sainte Vierge.
2 - "Oh ! c'est le fils de votre Aime-Marie, le Petit là ! Quel bon gamin, jamais de la vie ! Il chante très bien pour son âge ! Et le latin, chapeau ! C'est incroyable. Il sera curé, allez ! Le gamin là.
Ce n'est pas Dieu possible !"
3 - Encore de nos jours, les prêtres sont rémunérés par l'État, en Moselle, Haut-Rhin et Bas-Rhin, mais pas en Meurthe-et-Moselle, département limitrophe, fallait donc faire attention !
4 - ITE MISSA EST : Allez, la messe est dite. Dernière phrase du prêtre avant la bénédiction finale !